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Vers le deuxième auteur,Leila Zhour



Poèmes
Nouvelles

Stéphane Méliade

Poèmes

pour voler debout

La page de l'Autre

"Derrière le visage et le geste
Les êtres taisent leur réponse
Et la parole dite alourdie
De celles qu'on ignore ou qu'on tait
Devient trahison

Je n'ose parler des hommes je sais si
Peu de moi".

-Andrée Chédid

Ici, régulièrement, je vous inviterai à découvrir un auteur, à travers cinq de ses textes, une image de son choix et une présentation rédigée par l'auteur.

Auteurs mis en lumière :

Pour ouvrir cette nouvelle rubrique, j'ai donc choisi

Catrine Godin

Catrine vit et écrit au Québec.


Ses
palpitextes

Ses Catriliens

Sa présentactile

Sa Catrimage

Cinq palpitextes de Catrine :

Soulevée





la plainte sourde, le rauque presqu'oblong, un souffle taillé de dents muettes où l'oeil roule vers l'intérieur, glisse entre les fibres, goûte l'organe déposé en la paume comme un fruit rouge dans sa gaine, la crispation bue

les frémissements soudains et l'électrique du choc, la morsure étrange où jaillit la joie trop vive mêlée d'oppression ; le feu, une lave vibrante montée de creux, attendue de sel et d'humus comme des frères d'oeuvre

des battements fous aux bouches pulsantes, le babil, de ru en torrent dans le silence de tout ce bruit, le sang fouette au milieu, trop fort trop vite, la bête immense feule d'émois sur de longs spasmes chantés haut sans voix

l'éclatement brusque du geyser vivant, son trait comme des milliers díaiguilles, sa luminosité moirée de conscience autre en dedans, son mouvement ivre, ébloui, lové en l'impalpable, si haut les vertiges délibérés

et puis cet apaisement flou de duvet soyeux en chute, cette douceur quand tu me rejoins depuis l'autre côté... sans jamais avoir bougé.


Les petits monstres

les terreurs sourient
aux désordres
des enfants défaits
lèchant la brique
de leur geôle

les petits doigts dessinent
un ciel ouvert
le sein d'une mère
une comptine sale
dans l'aura des colères

aux grilles et barbelés
les rêves écorchent la chair
et crèvent
bulle de gomme
la bouche rose de cynisme


en leurs yeux trop bruns trop bleus
ils abolissent les autres
et le monde

qui ouvrira la brèche
au mur leur coeur

Catrine.
17/o9/2oo3

les cheveux d'étoiles

 
 
tu seras vigilant à l'heure où les tresses d'étoiles se déroulent
leurs allongements restent sauvages même quand elle sont bien dressées la première fois qu'elles m'ont emportée je m'étais assise sur une pierre lisse jusqu'à ce que je devienne la pierre
c'est à ce moment que les cheveux d'étoiles m'ont frôlée
 
dans cette coulée de lumière très légère en chatoiement flou
j'ai pensé des doigts doux et fins et puis une bête si longue que rien ne la mesure je me souviens la traction très vive à l'instant où comme un filin aggrippé très au centre du corps
les cheveux entrent un peu sous la peau sans blessure pour goûter la fréquence et l'onde puis le claquement si long interminablement long de l'arrachée
 
le chemin que j'ai tressé mène en trois endroits sur trois épis distincts
les croisées sont claires et fines et les frottements dessinent le geste que tu aimes de nuque empoignée avec force d'amour
la ligne d'un cou renversé, offert aussi blanc que le cercle de lune et l'éclat de clavicule
dans sa courbe perceptible et soulevée au rythme de l'aspiration
 
en haut de la croisée le filin de gauche est tressé à l'envers et sa glissée mène à ma nacelle
n'y dors pas la première fois les lianes t'enrouleraient très vite en ton sommeil et boiraient tous tes rêves sucés follement en une avidité soudaine elles ont oublié depuis longtemps la saveur d'esprits ... peu chevauchent les cheveux d'étoiles
depuis l'histoire de celui qui marchait sur l'eau en bas pour sidérer les consciences
 
garde farouchement ta pierre, garde ton sol même si près de leurs yeux grands ouverts tous leurs cils vibreront en regardant en toi-même au creux des creux de ce que tu ne veux pas voir
ils chanteront ton invisible en un silence différent de celui de tes pavillons sensibles peut-être te caresseront-ils en leurs paumes immenses pour une goulée de sens
les pupilles chercheront l'endroit qui t'est le plus douloureux de vibrations de coeur
 
là où tu cherches ton propre noyau il y aura une marque chaude et vivante tracée d'attouchements
puis un peu de lumière te restera de la descente en éclair
les étoiles aimeront ton parfum de vivant et la sensation étourdie de ton sang qui fouette très fort
elles aiment tant cette fragilité rouge qui nous coule en rivière sous le film polarisé de l'épiderme elles aiment le fugace vulnérable et s'émeuvent des affolements moites entre les pensées
 
c'est baigné d'elles que tu reviendras me voir
avec en ta poitrine l'ardeur étrange du mouvement des corps célestes
et en ton oeil magnifique leurs petits miroirs ouverts et limpides
de ce que tu portes en toi-même depuis bien avant ta sortie des eaux de mère depuis avant le tout premier souvenirs de geste d'embrassement de coeur d'homme
sur Terre
 
tu pourras suspendre le temps après le touché d'espace
tu seras l'aimé celui qui marche sur les cheveux d'étoiles

Ici, Laïlhaël inscrit son fils dans la fibre des crins et au coeur des pierres vivantes






Ici, Laïlhaël aura porté les trois noms des Lunes, des doigts et des âges
Laïl pour le premier doigt,
celui des premiers temps d'avant le chambardement,
le doigt qui entend sous les écorces et aux tubes bleus des herbes,
entend la sève et le vent;
Lioulaï pour le second, le plus long et le plus brillant,
celui d'après le chambardement, le doigt qui ressent
le pulsé de coeur autre comme le sien propre,
ressent le sens et la voix parlée des sens;
eLaïLiou pour le troisième, celui de maintenant,
le doigt qui parle la langue des pierres,
des lianes, des chevaux et des mémoires,
qui parle au coeur dans les poitrails lumineux.
Les ouvreuses âgées annoncent un quatrième doigt
qu'elles nomment UlouLïae,
"celui qui marquera le temps d'après"
il sera le doigt qui voit entre les mouvements et bien avant eux,
entre les cheveux d'étoiles
les demains, les failles de temps d'astres.

dans le couchant du premier orbe blond
enveloppée du chant d'Ulou-l'homme des chevaux
Laïlhaël porte au front et au ventre
les dessins vivants et bleuissants
en mouvance souple
ils tracent l'esprit de l'enfant
et la peau opalescente luit
telle une gemme marquée anciennement,
une pierre, son corps, sa vie
comme un cristal clair et laiteux.
Les signent dansent,
mus sous la surface
et les ouvreuses lisent en cercle mélodieux
le destin qui se tisse dans la chair vivante
qui danse en l'eau de la vasque chaude

empourpré aux naseaux des chevaux, un chant clair vrille l'air,
marié au troisième chant d'amour,
et en dansant le cercle des cercles vivants
ils suivent les orbes lunaires;
deux par deux ils marquent le sol à l'ongle rond devant l'appelante élue
et chacun dépose, pour nourrir la mère et l'enfant,
une pousse bleue qui parle de racines,
de terre, de vie dessous, dedans, murmures secrets,
bruissements et feu au creux du creux, au centre profond
des incandescences vives
les pousses d'herbes bleues murmurent le coeur blanc
de la Terre de Laïl
et Laïlhaël absorbe les murmurent
boit la sève et avale la fibre de ce monde
qui devient une part d'elle
et elle une part de Laïl

le cercle de pierres s'élargit et grandit de coeurs, de paumes illuminées
et le chant de Ulou résonne libre et ouvert
dans les champs bleus des pupilles des sens immensément ouverts
la vibration de sol répond sous les paumes unies
et les sabots écoulent les instants sous les astres dansants
Laïlhaël s'étend sur la mélopée et flotte doucement, bercée
de Terre, de Lunes, d'herbes
tout ce qui est vivant est en elle et autour d'elle
tout ce qui ressent l'entoure et la caresse, gestes oblongs
de vibrations fines et soyeuses
et son ventre respire et enfle lentement dans cette nuit
cette nuit longue comme trois jours, trois jours comme autant de lunes
dans cet équinoxe étrange emplit de mains et de songes
de respirations des sens, emportés en vertiges sonores

c'est au coucher du second orbe
dans la danse des chevaux et des lianes
au creux des murmures de la Terre de Laïl
au creux de la plaine bleue bruissante
et des paroles chuintées d'écorces
que la voix de l'enfant résonne en Laïlhaël
il chante l'attente et son rêve miroité derrière ses pupilles
Ulou rit en chantant vers lui
les pierres, debouts, ululent le rire et le cycle qui s'accomplit
et tous les yeux répandent en douceur
l'eau vivante du corps
en cette tonalité si distincte d'enflement de joie très pure
et chaque goûte est cueillie et portée
dans les paumes luminescentes au centre du cercle
puis aspirée d'embout torsadé,
doucement glissée entre les lèvres de Laïlhaël
elle boit un bonheur commun et uni coulé des sens fébriles
elle boit le sel d'aimer

Ô cette marée chaude
avalée des douceurs
cette eau vivante de sel d'aimer
toutes les pupilles bues
coulées en soi
portant ce trait tendre au coeur
infusées des enfances en l'enfance
emportée vers son centre
vers le second coeur de son corps
vers l'esprit vivant dans sa vivance
l'eau des yeux
devient le sang de l'enfant

et le coeur de l'enfant des pierres et des chevaux
rougeoie comme un joyau
rubis vivant des confluences
où toutes les rivières vivantes s'unissent
et tous les coeurs l'entourants
pulsent comme le sien
avec le sien
et parlent le même langage
comme une même vie
et l'enfant ouvre ses yeux

la mer de la vasque chaude s'empourpre
et de butte en butte, de colline en colline
tous les flambeaux et les feux s'allument
et l'enfant-fruit blotti dans la transparence de sa mère
voit chaque feu comme autant d'étoiles



Ici, l'attente est pourpre dans une nuit longue emportée très au creux de soi
et un destin se tisse d'eaux vivantes et de liens lumineux

... je ne te rejoindrai pas dans ta courbe lointaine
je resterai ici pour un temps
l'enfant que tu désirais pour accomplir le cycle de la Terre de Laïl
naîtra très bientôt
il aura la teinte pâle et bleue des dessins des Orbes, cinq doigts d'humain
et déjà toutes les mémoires coulent en lui

Maintenant mes pupilles et mes sens sont liés en chaque geste vers ce que j'aime.



Catrine.
29/o9/2oo3.

 

Paroles d'écorces


Des siècles de gestes
appris de paumes en paumes
de coeur en coeur
rassemblent vos battements du creux des matrices

toutes les écorces d'hommes aimés
je les regarde forêts d'humains
branches ouvertes et forgées des recommencements
les sources jaillissantes de vos voix
et vos mémoires tues
je les regarde en ces liens de sève
où l'origine se perpétue à l'oubli

des siècles de rumeurs
des éclats de guerres et de morts
au milieu des cordons vivants
la bouche gorgée de lait amer

tous les chagrins unis en un seul
je le touche à la peau de l'arbre
et c'est vos temps et vos vies que j'effleure
je vous pleure et vous aime
en vos doigts noués d'ardeurs évanouies
je le touche en mes poignets
où vos souvenirs m'avalent

Catrine 04/08/2003
( Malbaie 15/07/2003)


LesLes Catriliens :

Vous pouvez rencontrer beaucoup d'autres textes de Catrine sur la liste Vers Libres.


Vous pouvez aussi lire sur le site de l'Aurore Poétique les 8 premières parties de sa suite
Juste avant le début du monde


Les textes de Catrine vous ont touché ? Vous pouvez
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Vous pourez enfin, parfois la croiser aux soirées poétiques à micro ouvert de SoLoVox, données chaque mois à Montréal.

La présentactile de Catrine :

Je suis née au petit matin dans une tempête de neige comme sur une page blanche. On m'a appris à nommer les choses puis à les dessiner et à les écrire en me disant que le monde est comme il est " C'est comme ça. "

Mais je ne sais ni nommer ni dessiner ni écrire parce que ce que l'on m'a appris n'est pas ce que je vois alors j'apprends et
réapprends, j'apprend à transmettre ce que je perçois, ressens
parce que pour moi le monde n'est pas figé dans une forme
prescrite, prédéfinie, assise ; parce que pour moi le monde est mouvant et j'y cultive mon drôle de jardin... mouvant.


Ne cherchez pas sa porte, elle s'ouvrira d'elle-même quand elle le voudra...


Catrine Godin

 

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